Lucie Campos : La Villa Gillet, le lieu de la Littérature “en acte”
La Villa Gillet voit en ce contexte actuel une opportunité de se réinventer et d’enrichir, grâce au numérique, le dialogue entre les écrivains internationaux. Entretien avec Lucie Campos, directrice de ce centre pluridisciplinaire, à l’occasion de l’ouverture, ce lundi 11 mai 2020, des Assises internationales du Roman.
Vous êtes directrice de la Villa Gillet, quel parcours universitaire vous a mené à cette fonction ?
Je tiens à préciser que je suis arrivée à la direction de cette belle Maison seulement en novembre 2019. Néanmoins, je fais partie, depuis plusieurs années du public qui suit avec grand intérêt la programmation de la Villa, que cela soit de loin ou de près. C’est un parcours hybride qui m’a conduite à ce poste ; il débute par une cursus essentiellement universitaire au cours duquel j’ai enseigné dans différentes universités françaises. En tant qu’enseignante-chercheuse en Littérature comparée, j’ai été amenée à travailler avec des générations d’étudiants, autour des Littératures européennes, étudiées selon les contextes politiques et sociaux dans lesquels elles s’inscrivent.
Vous avez mis en place, pour l’Institut Français, un programme “Sciences Humaines et Sociales” à destination du réseau culturel à l’étranger ; quel est-il ?
J’ai rejoint l’Institut à une période cruciale de transformation ; les chercheurs réfléchissaient à de nouvelles manières de mener le débat d’idées à travers le réseau culturel français déployé dans le monde entier. Ainsi, je devais trouver la façon la plus pertinente, de placer les penseurs français en conversation avec des experts internationaux, de manière à nourrir les débat les plus actuels. Dans la continuité de ce programme, je suis allée à Londres, pendant 5 ans, afin de developper le projet au plus prés de publics mixtes. J’ai été extrêmement inspirée par la richesse de l’écosystème culturel londonien et par la multitude des initiatives prises en direction de la littérature.
C’est ce dynamisme-là que vous vouliez “exporter” à Lyon ?
Lyon a été mon point d’ancrage dès mon retour de Londres. Cette ville, du fait qu’elle soit culturellement extrêmement attractive et axée sur le dialogue international, a toujours suscité mon engouement. La preuve étant, on constate, depuis ces dernières années, l’arrivée fulgurante d’une nouvelle génération de directeurs sur le territoire lyonnais, une sorte de “printemps lyonnais” pour les centres culturels de la ville.
Vous venez des Sciences Humaines et Sociales ; pourquoi écrire ensuite à propos de la Littérature ?
Le livre Fictions de l’après traite effectivement d’écrivains européens et mondiaux dont l’œuvre littéraire fait lieu de réflexions sur les contextes politiques desquels elle est l’émanation. L’inscription, dans la fiction, d’une pensée provenant de l’Histoire des Idées et de la Philosophie est un sujet qui m’a toujours animé.
C’est en cela que le projet de la Villa Gillet vous a interpellé ?
En effet, dans le sens où la Villa Gillet a toujours eu pour mission de faire entendre les voix d’écrivains, de tout domaine confondu, dans l’espace public et face à des problématiques contemporaines. La Villa Gillet n’est ni une université, ni une librairie, elle a ce privilège singulier de travailler avec les auteurs vivants, à donner accès à la pensée contemporaine telle qu’elle s’écrit aujourd’hui.
Quels sont les temps forts de la Villa Gillet ?
L’année s’articule autour de deux grands pôles : les Assises internationales du Roman, se déroulant en mai, dont l’ambition est de créer un espace parallèle dédié à la conversation littéraire internationale, ainsi que le festival Mode d’emploi, en novembre, questionnant l’actualité citoyenne.
En quoi consistent les Assises internationales du Roman ?
Les Assises, depuis leur création en 2006, correspondent à un moment incontournable du calendrier littéraire français, à l’occasion duquel sont conviés les grands auteurs du monde pour de riches discussions. J’ai toujours été séduite pas cette dimension internationale inscrite dans l’ADN de ce festival, autant que par les échanges prestigieux entre nos journalistes partenaires et des penseurs de tout horizon.
Les Assises comportent aussi des temps de médiation dans les médiathèques de la région et de rencontres avec des étudiants qui, chaque année, sont formés à devenir, eux-même, modérateurs. Si l’événement ne dure qu’une semaine, cette année du 11 au 17 mai, il requiert un travail d’organisation et de création de contenus très intense.
En raison du confinement, comment vont se dérouler les Assises ?
Annuler les Assises internationales du roman aurait été aller à l’encontre de nos missions. Pourquoi faire silence quand notre intérêt est de porter la voix des écrivains dans la cité ? Surtout, qu’en ces temps, donner la parole aux penseurs étrangers, venus de Chine ou d’Italie par exemple, est indispensable.
Nous avons alors entièrement repensé les formes des Assises pour proposer, dès lundi 11 mai, un festival intégralement numérique permettant aux écrivains de s’exprimer en vidéos. Les distances étant abolies, cette reconversion augmente le champ des possibles. Nous avons pu inviter des écrivains exclusifs qui, d’ordinaire, n’auraient pu se déplacer ou créer une série inédite de témoignages de professionnels, issus du monde du livre, venant de tous les pays. Nous sommes une équipe pleinement impliquée et dévouée pour que la conversation littéraire, qu’elle soit virtuelle ou physique, existe à l’international.
Cette situation nous a amené à centrer l’événement autour du thème de l’incertitude, ce moment où l’on s’interroge sur les narrations de nos existences, une approche philosophique que la fiction traduit parfaitement. Ce festival sera finalement un condensé de textes et de réflexions orientant notre époque ou, plus encore, un espace public en miniature où il est important que la parole soit accordée.
Découvrez la programmation complète du festival : ici.
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Propos recueillis par Jade Vigreux
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